En introduction, la première des trois capsules vidéos (« Idées fausses ») présentées dans le site de ATD Quart Monde…
« LES BS: TOUTES DES ALCOLOS OU DES DROGUÉS! »
Si l’on regarde de près les statistiques sur la consommation d’alcool au Québec, on constate, contrairement à la croyance populaire, que le pourcentage de personnes ayant une consommation excessive est supérieur chez les plus riches (25,5%) que chez les plus pauvres (13,3%)1, dont font partie les personnes assistées sociales. De même, lorsque l’on regarde les chiffres sur les buveurs réguliers ou excessifs, on observe que la consommation d’alcool touche toutes les couches sociales dans des proportions relativement semblables1. Ces données démontrent donc que le préjugé voulant que les « BS » soient « toutes des alcoolos » est non fondé.
En ce qui a trait à la toxicomanie, les seules statistiques trouvées qui ventilent les données en fonction du revenu montrent que 18,2 % des personnes très pauvres, ce qui inclut donc les personnes assistées sociales, consomment de la drogue2. Dans ce même groupe, 68,3% n’ont jamais consommé de drogues2. Ici aussi, le préjugé voulant que les « BS » soient « toutes des droguées » ne« À peine 3% de «fraudes» à l’aide sociale tient pas la route.
En plus des statistiques, nous avons posé la question suivante aux participant.e.s d’un comité de l’ADDSQM : qui a consommé de l’alcool dans la dernière semaine? Surprise: deux personnes répondent « oui », et ce ne sont pas des prestataires d’aide sociale. De plus, tous les membres du comité connaissaient au moins une personne qui présente un problème d’alcool et toutes ces personnes occupent un emploi. Enfin, les personnes du groupe qui nous ont raconté avoir déjà souffert d’une dépendance nous ont dit qu’elles ne recevaient pas d’aide de dernier recours à cette époque.
À la lumière de ces informations, pourquoi pointons-nous du doigt les personnes assistées sociales qui consomment en toute légalité le 1er du mois? Croyons-nous qu’elles boiront l’entièreté de leur chèque le premier jour du mois? De quel droit les jugeons-nous aussi sévèrement? Pour éviter de subir les préjugés, les personnes assistées sociales développent des stratégies pour acheter de l’alcool sans être vues, même pour de petites quantités. C’est dire comment le poids des préjugés est fort!
1Institut de la statistique du Québec. (2011). La consommation d’alcool au Québec : évolution et portrait régional.
2Chevalier, S. (1995). Consommation de drogues.
« LES PERSONNES ASSISTÉES SOCIALES Y ONT TOUTES! »
Comment couvrir ses besoins essentiels avec 616, 646, 747 ou 937$ par mois? Selon le ministère responsable de la Solidarité sociale, les prestations d’aide sociale devraient couvrir la totalité de ces besoins: l’alimentation, le logement, l’entretien ménager, les soins personnels, les communications, l’habillement, l’ameublement, le transport et les loisirs. Ainsi, une personne à l’aide sociale pourrait, malgré tout, vivre en dehors de la misère.
La première loi d’aide sociale (bill 26) a vu le jour en 1969; depuis, le programme a subi quatre réformes importantes durant lesquelles les prestataires ont vu diminuer leur prestation à chaque fois. En 1969, une personne seule recevait 217$ par mois, alors qu’aujourd’hui, une personne seule reçoit 616$. En considérant l’inflation de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) entre 1969 et 2014, le montant de la prestation de 1969 serait de 1379,11$ par mois en 2014. Cela revient à dire que le pouvoir d’achat des personnes prestataires d’aide sociale a été coupé de plus de la moitié en 45 ans de réformes! Si vous croyiez que le gouvernement n’était pas généreux avec les personnes à l’aide sociale à l’époque, imaginez aujourd’hui…
Indice des prix à la consommation, moyens annuel, non désaisonnalisé
Évidemment, il y a davantage de services offerts à la population aujourd’hui. Les HLM (Habitation à Loyer Modéré) en sont un exemple. Les personnes éligibles à cette subvention ne paient que 25% du coût de leur loyer, le reste étant assumé par le gouvernement. Cependant, Il n’y a pas de place en HLM pour chacune des personnes prestataires d’aide sociale. Selon Marc Tessier, conseiller au secrétariat de la SHQ, « Dépendamment de l’évaluation de la personne et des critères, une personne peut obtenir un logement six mois après son inscription. À l’autre extrême, une personne peut se réinscrire à chaque année pendant dix ans sans avoir de place. » Au Québec, il y a environ 65 000 logements HLM; la liste d’attente est d’environ 37 000 noms. Il y a autour de 451 000 personnes assistées sociales au Québec. Le programme de HLM est nettement insuffisant pour combler le besoin…
HLM: près de 40 000 personnes sur les listes d’attente au Québec
D’autres services et avantages sont disponibles pour les personnes recevant des prestations d’aide sociale. Par exemple, une partie des soins de la vue et des soins dentaires sont payés. Si un prestataire d’aide sociale à besoin de lunette, le gouvernement déboursera 55$; l’excédent devra être assumé par la personne. Si vous considérez le prix d’une paire de lunette, vous vous rendrez vite compte qu’avec un chèque de 616$ par mois, 55$ ne permettent pas de se procurer des lunettes!
Bref, le gouvernement ne fait que couper le programme d’aide sociale depuis des décennies. Pour compenser les coupures, le gouvernement à consenti des compromis qui ne sont pas réellement des avantages disponibles pour l’ensemble des personnes assistées sociales. Un parent, bénéficiant de l’aide sociale, n’aurait pas les moyens de payer des lunettes à son enfant, même avec une réduction de 55$. Une personne vivant seule ne pourrait même pas s’en payer d’ailleurs! Mais il y a plus: une personne assistée sociale, recevant une pension alimentaire pour son enfant, ne recevra pas la totalité de sa prestation! Avec les années, le gouvernement à développé une solution facile pour permettre d’équilibrer le budget: faisons des coupes à l’aide sociale! Allant toujours plus loin dans les coupures, il est évident que ce programme est devenu nettement insuffisant. Entre la prestation actuelle de 616$ et celle de 1379$, qui respecterait l’inflation, c’est un pouvoir d’achat de 763$ qui a été perdu. Cet argent aurait dû servir à combler les besoins essentiels de ces personnes et, ainsi, faciliter leur retour sur le marché du travail.
« Si vous croyez toujours qu’ils ont toutes, faites une demande et on s’en reparle! »
« LES BS SONT PARESSEUX ET NE FONT RIEN, ILS NE VEULEUT PAS TRAVAILLER! »
Pour commencer, nous devons rétablir quelques faits: 62% des personnes prestataires d’un soutien financier à l’aide sociale sont reconnues ne pas pouvoir travailler.
Il est faux de dire que les personnes assistées sociales sont paresseuses. Tout au cours de la semaine, elles assument elles-mêmes leurs tâches quotidiennes. Dû à l’insuffisance d’argent, elles doivent assurer elle-même leur survie en fréquentant les banques alimentaires, les comptoirs vestimentaires et d’autres organismes distribuant des biens de premières nécessités. Pour assurer leurs besoins essentiels, manger, se vêtir, etc. elles doivent déployer beaucoup de temps et d’énergie. Et qui travaillent dans ces organismes? Pour la plupart, ce sont d’autres personnes assistées sociales.
La plupart des personnes assistées sociales ne peuvent pas avoir un travail rémunéré. Par contre, ce sont souvent elles qui oeuvrent dans les organismes communautaires et s’impliquent dans leur communauté par le bénévolat.
Selon Statistique Canada. 38,1% des personnes qui n’occupent pas un emploi font du bénévolat. Plus de deux millions de personnes consacrent annuellement près de 310 millions d’heures de bénévolat dans toutes les régions du Québec. Par exemple dans notre organisme, les militantEs sont pour la plupart des personnes assistées sociales, elles donnent de leur temps et ressources sans contrepartie, et le font gratuitement.
Elles veulent aller sur le marché du travail mais pourtant, les employeurs ne sont pas tous ouverts pour engager ces personnes. Ils sont persuadés qu’elles ne peuvent pas travailler, étant donné qu’elles sont à l’aide sociale. Donc, ils ne leurs laissent pas de chance et refusent de les engager.
Comment dans ce contexte, augmenter notre expérience de travail? Parfois, certains employeurs refusent des gens sur l’aide sociale soit par manque de formation scolaire ou un manque d’expérience dans le domaine. Avec le montant que nous recevons à l’aide sociale, il est difficile d’intégrer le marché du travail surtout si nos besoins essentiels ne sont pas comblés.
Il faut des sous pour se trouver un emploi: le coût du CV, les frais de transport, l’habillement, etc.
« Si les gens prenaient le temps de discuter avec « nous », ils verraient que notre temps et notre énergie est consacré à briser notre isolement et à contribuer à notre société. »
« LES PERSONNES ASSISTÉS SOCIALES SONT DES FRAUDEURS! »
Chaque fois qu’une personne assistée sociale se trouve dans une situation de surplus monétaire, elle doit rembourser en intégralité l’argent versé en trop par le ministère. Une somme, déterminée par un agent d’aide sociale, sera alors prélevée sur sa prestation.
Il faut savoir que pour les personnes assistées sociales, tout ce qui concerne l’argent doit être déclaré: travail, biens, cadeaux. En plus de l’obligation de tout déclarer, les personnes doivent le faire presque sans délai. Souvent, dans les médias et dans la population en général, les personnes confondent omission de déclarer et retard avec fausse déclaration ou fraude. En réalité, la fraude à l’aide sociale n’est pas plus importante que dans le reste de la population.
« À peine 3% de «fraudes» à l’aide sociale (…) Des erreurs de bonne foi expliquent en majeure partie l’aide versée en trop. » – Le Devoir, Isabelle Porter, 8 septembre 2014
Contrairement à certains préjugés tenaces, les fraudes à l’aide sociale demeurent un phénomène marginal. Selon des données obtenues par Le Devoir, le gouvernement a réclamé l’an dernier pour 86 millions $ de fausses déclarations, sur 2,8 milliards $ de prestations versées, soit l’équivalent de 3%.
Les données indiquent en outre que la grande majorité des fausses déclarations sont dues à des erreurs de bonne foi (80%), c’est à dire que la personne s’est trompée sans le savoir en rédigeant sa demande. En additionnant les « fausses » fraudes et les « vraies », on obtient un total de 124 millions $ soit 4% de l’ensemble.
M. Blais (ministre de la solidarité sociale, à l’époque) a lui-même déclaré que la fraude à l’aide sociale « (…) n’est pas un phénomène important ».
Ce phénomène ne représente qu’une très faible proportion des dépenses relatives à l’aide sociale: ce n’est qu’environ 2% du budget de l’aide sociale et qu’un dérisoire 0,1% des revenus du Québec. On voit donc que le préjugé persistant qui soutient que la très grande majorité des prestataires de l’aide sociale sont des fraudeurs ne trouve pas d’écho dans la pratique.
En comparaison, les montants en jeu par rapport à l’évasion fiscale sont astronomiques. Toujours selon Revenu Québec, on estime que par ce phénomène, ce sont 3 500 MM $ qui nous échappent encore chaque année, soit près de 50 fois plus que ce que nous coûte la fraude à l’aide sociale. Cela représente près de 5% des revenus du Québec et c’est plus que le budget assigné à l’aide sociale dans son entier.
Beaucoup de préjugés sont accolés aux personnes assistées sociales et aucun ne sont fondés. Certains les voient comme étant favorisés, d’autres comme étant chômeurs, ou encore comme étant malhonnête; cela ne change absolument rien à leur situation qui n’a absolument rien d’enviable. La vérité est que cette situation peut arriver à n’importe qui. Il est vrai que certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres. Il est donc important de faciliter la réinsertion des personnes assistées sociales sur le marché du travail plutôt que d’en rajouter en isolant et en discréditant des personnes qui font tout ce qu’elles peuvent pour s’en sortir. Qu’arriverait-il si ces personnes avaient ce qu’il faut pour combler la totalité de leurs besoins et ainsi pouvoir être au maximum de leur capacité pour se trouver un emploi? Ne vaudrait-il pas mieux de permettre à ces personnes de retourner rapidement sur le marché du travail en doublant leurs prestations plutôt que de leur laisser le strict minimum pour les entretenir dans la misère pendant des années?
CES MAUDITS BS
J’ai 36 ans. Je suis une enfant de BS. J’ai été élevée en campagne par une mère monoparentale, fumeuse, de quatre enfants sur l’aide sociale dans une vieille maison.
Ma mère recevait le bien-être social et une pension alimentaire de (tenez-vous bien) 300$ par mois pour ses quatre enfants. Pas un sou de plus pour les fournitures scolaires ou autres. Moins de 1000$ par mois pour faire manger, habiller, loger, divertir, soigner quatre kids puis acheter ses cigarettes.
Aujourd’hui, nous sommes tous gradués du cégep ou de l’université. Aucun enfant n’est sur l’aide sociale ou au chômage. Nous sommes tous propriétaires. Aucun des enfants n’a eu de démêlés avec la justice. Nous avons à notre tour des enfants. Nous sommes en santé physique et mentale. Bref, je crois que nous avons tous bien réussi.
Nous sommes des enfants de BS, comme des milliers d’autres enfants québécois.
Ma mère n’avait pas de contraintes au travail. Aucune contrainte, sauf nous. Pas de garderie et pas de voiture en campagne, les chances de se trouver un travail étant égales à zéro. Par chance, grâce à cette maison en campagne, nous avons pu grandir loin de la misère sociale et des rues pauvres de Montréal. Si ma mère avait été obligé de travailler, nous aurions dû vivre dans un quartier pauvre de Montréal, dans un 3 et demi. Ces quartiers pauvres attirent la criminalité et cette criminalité touche les ados. Puis les ados lâchent l’école et finissent mal. Pas toujours, mais avec un risque plus élevé. On a été chanceux.
On a été chanceux grâce au bien-être social. Sans ce BS, ma mère n’aurait pas pu faire de nous sa priorité. Sans ce BS, nous aurions eu bien des chances de mal finir. Grace à ce BS que ma mère recevait, nous sommes quatre kids devenus adultes qui travaillent, qui paient des impôts et qui contribuent à la société. Imaginez si le BS avait eu une durée limitée. Je ne sais pas ce qu’on serait devenu. Je ne veux même pas y croire.
J’ai lu aujourd’hui François Lambert qui écrit sur les luxes que se paient les BS avec « son » argent de contribuable. Un paquet de cigarettes puis une bouteille de bière semblent être des luxes pour Lambert. J’ai lu aussi que bien des BS n’ont pas de contraintes au travail. Puis que le BS, ça dure trop longtemps.
Cher François, ma mère a aujourd’hui 62 ans et tente de se trouver un travail. Elle a réussi à travailler dans un commerce après avoir élevé sa famille sur le BS. Le commerce a fermé. Elle a pris son chômage. Elle a terminé son secondaire 5. Elle a tout fait pour essayer de travailler, elle ne trouve pas. Au chômage, on lui a dit : « Ben là, attendez d’avoir 65 ans, vous aurez votre revenu garanti ». Et là, le chômage est terminé. Elle n’a pas de contrainte au travail. Qu’est ce qu’on fait avec elle? On lui enlève son verre de vin? On lui dit de flamber ses minces économies (avant d’avoir du BS) ? On la laisse vendre son char avant de l’aider ? De l’aide, il n’y en a pas. Ma mère n’est pas seule.
Connais-tu Roger? 55 ans, il a toujours travaillé dans la même compagnie. La compagnie ferme. Il prend son chômage, mais le chômage termine. Roger a appliqué partout. Personne ne le rappelle. Pourtant, il n’a pas de contrainte au travail. Il va au chômage, s’ouvre une bière certains soirs pour relaxer. On fait quoi avec Roger, François? On lui coupe sa bière, puis après?
Johanne a 39 ans. Elle a deux enfants. Elle est monoparentale. Son ex a disparu dans la brume. Elle n’a pas de pension. Elle vient de se faire mettre dehors de sa job à 11 $ de l’heure parce que son boss trouve qu’elle manque trop souvent à cause de son gars qui a des troubles de comportement. Johanne n’a pas de contrainte au travail. Sauf son look peut-être. Elle n’a pas d’argent pour se payer le dentiste, donc elle a perdu deux dents en avant. Puis elle a des kids aussi. Comme ma mère. Donc Johanne n’a pas le droit au chômage parce qu’elle s’est fait crisser dehors. Donc Johanne s’en va sur le BS. Puis Johanne fume, des fois. Encore plus parce que là, elle ne sait plus comment elle va payer son loyer le mois prochain. On fait quoi avec Johanne, François? On lui coupe ses topes, puis après? On lui coupe le BS au bout de deux ans puis après, François? On fait quoi? Vas-tu prendre ses enfants chez vous pour l’aider? Vas-tu donner du temps pour l’organisme qui habille les kids de Johanne le temps qu’elle se replace? Vas-tu embaucher Johanne pour lui donner une chance? Vas-tu embaucher une fille édentée, pauvre, avec des kids, dont un à problèmes?
Il y a aussi Geneviève, qui sort du Centre Jeunesse. Elle a 19 ans, pas de job. Sur le BS à 19 ans. Pas d’expérience. Sauf celle du viol à 8 ans, mais ça, c’est pas dans son CV. Elle n’a pas de contrainte au travail. Elle vit dans un 1 et demi. Elle n’a pas eu de parent pour lui faire un trousseau. C’est un organisme de Montréal Nord qui l’a aidée. Es-tu allé à cet endroit? Tu verrais, il y a plein de gens sur le BS, qui n’ont pas de contrainte au travail, qui vont là. La jeunesse qu’on a eue des fois, c’est une crisse de contrainte.
Pourquoi j’écris ça? Parce que c’est facile de lancer de belles solutions pour couper sans se soucier des gens. Tu sais ce qui est difficile: trouver de vraies solutions durables pour aider en premier puis après couper. On ne peut pas couper avant d’aider. Ce n’est pas vrai qu’il y a des jobs pour tout ce beau monde sur le BS. Ce n’est pas vrai qu’il faut être handicapé pour avoir une contrainte au travail. Des contraintes, c’est pas toujours clair. Comme moi, je n’étais pas considérée comme une contrainte pour le gouvernement, mais j’en étais une pour ma mère.
Trouvons des solutions durables, des programmes d’emploi pour tous, partout, des formations qui garantissent des emplois, des programmes pour les 50 ans et plus qui veulent travailler, des programmes pour les jeunes puckés, des organismes qui aident après les Centres Jeunesse, des possibilités pour les mères monoparentales dans la misère avec de jeunes enfants. Trouvons ça avant de lancer dans les airs que le BS est ben trop généreux.
François, ça devrait bien plus t’indigner que l’argent de tes impôts paie les luxes de certains ministres plutôt qu’un pauvre BS qui s’achète un sac de chips puis un paquet de cigarettes.– Bianca Longpré, 8 avril 2015
Ce billet a aussi été publié sur le blogue personnel de Bianca, Moi Celestia
LE MOT DE FRANCINE
Je m’appelle Francine Duchesneau. J’habite Québec, le quartier Saint-Jean-Baptiste, un quartier que j’adore. Depuis 34 ans.
J’ai été enseignante. Je ne peux plus travailler, car mon état de santé m’empêche d’être active. Je souffre de fibromyalgie, je souffre aussi du syndrome de fatigue chronique. D’ailleurs, j’ai mené une bataille pendant dix ans pour faire reconnaître cette maladie, la fibromyalgie. On vient de découvrir qu’en plus, je souffre d’hypothyroïdie. Je dois prendre beaucoup de médicaments. Pour ce mois-ci, j’en ai pour 526$.
J’ai acheté une maison il y a 34 ans. Je l’ai payé 16 000$. Nous avons ajouté un 20 000$ de travaux à l’époque de l’achat. Cette maison-là, je l’ai acheté avant d’être malade, avant d’être à l’aide sociale. Je l’ai payée en 14 ans, plutôt que 20 ans. Aujourd’hui, la maison est évaluée à 205 000$, par l’évaluation municipale. Je dois dire que depuis que je suis propriétaire, à tous les trois ans lors du rôle d’évaluation foncière, je me suis battu pour réévaluer la valeur de ma maison. Je dois dire que c’est une bataille, on doit payer pour la révision. Il n’y a jamais d’évaluateur qui vient voir l’état de la maison. La valeur est établie par la valeur du quartier. Nous n’avons pas le contrôle sur cela. D’ailleurs, un ancien directeur à la Ville de Québec m’a dit que 15% des propriétaires sont des spéculateurs. C’est beaucoup dû à la spéculation si ma maison est évaluée autant, car elle ne vaut pas vraiment ça. J’aurais pour 150 000$ à 200 000$ de travaux: le toit, toutes les portes et fenêtres… Actuellement, le deuxième étage me sert d’entrepôt. Donc, le 205 000$, c’est arbitraire. Si le ministre persiste, en juillet 2015, on m’enlèvera 40$ sur mon chèque, car il semblerait que ma maison m’enrichit. Devrais-je couper sur ma santé, sur les Boost (100$ par mois) parce que je ne peux pas me nourrir convenablement?
Pour l’entretien, je suis membre de L’Accorderie. Je peux offrir des services de couture. En échange, je peux avoir des personnes pour des petits travaux d’entretien.
Le coût pour vivre dans cette maison:
Taxe: 198$/mois
Électricité: 132$
Assurance: 67$
Total: 397$
Un appartement dans mon quartier, c’est minimum 700$, et je ne pourrais pas garder toutes mes choses. Ce ne serait pas une économie à faire.
Ma maison, c’est ma vie, c’est mon nid. J’y ai toutes les choses que j’ai réalisées au fil des ans, mes créations, mes projets mis de l’avant et que j’ai menés…
Vraiment, je ne peux envisager de vivre ailleurs, en dehors de cette maison, en dehors de mon quartier, de mon réseau. C’est ma sécurité. Il n’est pas question que je déménage !
– Francine Duchesneau, printemps 2015.
TÉMOIGNAGE DE MARIE AUGER
Je suis Marie Auger et je suis prestataire d’aide sociale.
Je suis ici pour vous parler des modifications aux Règlements de l’aide sociale concernant le partage du logement.
Le gouvernement libéral vient de faire un pied de nez à la loi 112 qui est la loi visant a lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale parce qu’elle pénalise les personnes en situation de pauvreté.
Étant donné que le montant du chèque est loin de combler tous les besoins essentiels, j’ai essayé de mieux m’en sortir en louant une chambre à une jeune femme. Quelques mois plus tard, mon agent d’aide sociale m’a bien précisé que ce montant représentait un revenu de location, ce qui laissait prévoir une éventuelle coupure de 125$ par mois. J’ai donc aidé cette jeune femme qui présentait plusieurs problèmes de santé graves et d’autonomie. En l’hébergeant et l’accompagnant dans ses démarches. Je l’ai fait parce que cela me semblait juste. On vit dans une société qui chouchoute ses animaux de compagnies, mais qui ne soucie pas assez des personnes les plus démunies.
Durant ces quelques mois, j’ai fait pression sur les intervenants du CLSC jusqu’à la prise en charge de cette jeune colocataire.
En conclusion, j’ai mis fin à cet hébergement. Peut-être par peur de représailles?
Pour vous dire, « Votez libéraux », c’est voter pour l’individualisme parce qu’il taxe l’entraide et qu’en bout de ligne, ça coûtera beaucoup plus cher…
– Marie Auger
Lu lors de la conférence de presse du 5 mars 2015.
UNE QUESTION DE CHOIX?
La pauvreté n’a pas de pitié. Elle frappe n’importe qui, n’importe quand, et elle frappe dur. Sans s’y attendre, une personne peut perdre l’équilibre et se retrouver dans une situation qui la mènera éventuellement à l’aide sociale. C’est ainsi que ça arrive. Ce n’est pas une question de choix. Parce que, soyons honnête, qui choisirait de plein gré la pauvreté?
Pour illustrer cette réalité, voici trois histoires de vie de personnes assistées sociales.
D’abord, il y a Richard. Déclaré épileptique dans sa jeunesse, il a toujours su composer avec cette maladie, jusqu’au jour où son médecin lui a appris qu’il ne pourrait plus travailler à cause de ses crises.
Ensuite, il y a Robert. Après plusieurs tentatives de retour aux études, maints refus d’employeurs, quelques mois de travail au salaire minimum et l’apparition de maux de dos liés au stress, Robert se sentait vidé et son estime de lui-même en avait pris un coup. À bout de ressource, il s’est tourné vers l’aide sociale.
Finalement, il y a Monique. Décrocheuse à 18 ans, elle a arrêté l’école à cause de ses difficultés scolaires et de ce que cela lui faisait vivre. Elle a ensuite essayé d’entrer sur le marché du travail, sans succès. Après avoir complété son cinquième secondaire aux adultes, elle a finalement été déclarée inapte à l’emploi à cause de son arthrite.
Ces personnes n’ont pas choisi d’être à l’aide sociale. Par contre, chaque jour, elles choisissent de lutter pour leur survie et pour leurs droits. Elles choisissent de s’opposer à la société qui les étiquette et leur demande de se conformer aux exigences d’un système trop rigide. Elles luttent pour que les gens reconnaissent que l’aide sociale est un droit, que les personnes assistées sociales font partie de la société et ont le droit d’exister.
Aujourd’hui, Monique, Richard et Robert ont des rêves, de l’espoir. Ils espèrent que l’abolition des catégories à l’aide sociale se réalise, que les personnes assistées sociales se sentent intégrées dans la société et que le gouvernement ouvre les yeux. Ils espèrent qu’on arrête de se juger les uns les autres et qu’on continue de lutter. Envers et contre tous, ils continuent d’avancer.
Et ils vous invitent à venir lutter avec eux, parce qu’ils savent que c’est en unissant leurs forces qu’ils peuvent vaincre.
– Écrit par les membres du Comité Lutte de l’ADDSQM
LA DIGNITÉ
Je veux vous parler de ce que le mot Dignité veut dire pour moi. La dignité, pour moi, veut dire : Avoir le droit de pouvoir m’exprimer et faire valoir mes droits comme citoyenne, sentir que je fais partie à part entière de la société dans laquelle je vis, et que même si je suis à l’aide sociale, j’ai le droit au respect humain là où je suis rendue dans mon cheminement personnel. La dignité, c’est être reconnue pour les talents, qualités et défauts que je possède; être égale à part égale avec les autres personnes que je côtoie.
Il est important d’aller discuter avec nos cherEs dirigeantEs de nos mécontentements face à notre situation. Ça fait plusieurs années que nous revendiquons au gouvernement l’abolition des catégories à l’aide sociale. Cela veut dire que tout le monde ait le même chèque. Car nous avons tous et toutes les mêmes choses à payer: le logement, l’électricité, la nourriture, les vêtements et le transport. Pourquoi faire des catégories si nous avons tous les mêmes dépenses à faire? Je crois que nous devons nous unir touTEs ensemble pour dénoncer et dire que nous faisons touTEs partie de cette même société et que nous somme touTEs égaux.
Si tu veux discuter et dénoncer ce que tu vis en tant que personne assistée sociale, viens nous voir à l’ADDS!
– Monique, ADDSQM, juin 2010.
COMMENT JE ME CONSIDÈRE COMME UNE PERSONNE APTE
Bonjour, je me présente: Robert, j’ai 38 ans, on me considère comme une personne apte au travail. Présentement, je suis en congé de maladie pour une période indéterminée.
Parfois, je trouve ça difficile et déchirant, comment je vis. Je paye ma chambre, mon épicerie et il me reste quelques dizaines de dollars pour survivre.
Si aujourd’hui le gouvernement se réveillait, il verrait qu’il y aurait moins de gens pauvres, moins d’itinérants couchés dans les parcs.
Arrêtez de nous donner des étiquettes! Dans le passé, j’ai perdu beaucoup d’amis à cause des étiquettes. Mais là, je suis tanné de cela. J’ai fait beaucoup d’efforts sur le marché de l’emploi, des études… Et rien n’a fonctionné à mon goût. J’ai fait des études au niveau secondaire régulier et aux adultes, et j’ai commencé deux cours au professionnel que je n’ai pas été capable de terminer.
Oui, je suis tanné de porter des étiquettes, et j’essaie de faire comprendre aux gens de tous les milieux que je suis une personne à part entière avec mes limites, comme tout le monde a des limites. Mon rêve était depuis longtemps de travailler dans le domaine des communications. Je n’en ai jamais eu la chance.
Alors, je termine là-dessus. Si le gouvernement peut se réveiller et se rendre compte que nous avons tous et toutes les mêmes besoins de base, je pourrais vivre sainement.
– Robert R., ADDSQM, mars 2010.
L’ANXIÉTÉ
C’est toujours avec beaucoup d’angoisse que j’appréhendais l’arrivée de la fameuse « enveloppe brune », surtout quand elle se pointait au milieu du mois. Et comme de fait, un jour, j’ai reçu une missive m’informant que je devais illico rembourser une somme de quelque 1000$, sinon, j’étais immédiatement coupé!
Après les excuses d’usage, il s’est avéré bien sûr que c’était une erreur du ministère: ladite « enveloppe brune » était destinée à un homonyme!! On imagine facilement les heures d’angoisse occasionnées par ce genre de méprise dans un système où des gens vulnérables sont considérés présumés coupables…
– Jean, ADDSQM
LA DISCRIMINATION ET LES PRÉJUGÉS
(…) Il y a les gens que j’appelle les prédicateurs radiophoniques du néolibéralisme…
Les médias sont complices du système et du patronat.
Selon un certain public, dans la société québécoise, je suis une fainéante, une paresseuse, une profiteuse, une inculte, une irresponsable, une parasite. On ne me connaît même pas et on m’accuse, on me pointe du doigt, on voudrait m’écraser, m’enlever toute estime personnelle (…)
Ce que je trouve le plus dur, c’est qu n’y a pas d’emploi pour moi. Je suis rendue à 50 ans et on me dit trop vieille.
– Anonyme (Source: FCPASQ,
Femmes assistées sociales: la parole est à nous! Montréal, 2006.
MON IMPLICATION À ADDS-QM
Ce fut pour moi une délivrance de mon ignorance envers mes droits à l’aide sociale! Que ne fut pas ma surprise d’aller me ressourcer dans une formation « Mon droit à l’aide sociale » qui se donnait à la Botte de foin, maison de ressourcement. On y apprenait, entre autres, notre place dans la pyramide sociale.
Où j’en suis dans ma vie depuis ce temps-là? Il y a eu plusieurs formations auxquelles j’ai participé, entre autres sur la loi d’aide sociale. Je me suis impliqué dans différents comités de travail: le comité Luttes, et le comité Accueil, recrutement et communication. C’est ce comité qui s’occupe du journal La Riposte. J’ai appris à écrire mes textes pour La Riposte, et ça m’a permis de m’exprimer et de dire ma révolte contre le gouvernement. Le comité Luttes s’occupe de nos luttes et des manifestations pour revendiquer nos droits. J’ai aussi participé à la visée de l’ADDS, où l’on apprend à bien vivre ensemble dans le groupe et dans la société.
N’oubliez pas que l’ADDSQM est une belle grande famille. Si vous voulez venir y prendre un bon café fait par notre ami Christian Loupret, ne vous gênez pas. Si vous venez, vous êtes sûr de revenir car ici, comme à la maison, on se sent chez soi.
Ça fait bientôt dix ans que je m’implique ici. Je suis certain qu’il y aura d’autres choses à y faire!
– Robert R., ADDSQM, juin 2010.
BULLETIN « LA RIPOSTE »…
C’est avec beaucoup de plaisir qu’en 1997, j’ai accepté le mandat suivant de l’ADDSQM: monter une petite équipe pour rédiger un bulletin de liaison qui depuis, informe périodiquement les membres sur ses activités et revendications.
Ce projet m’a permis de « sortir de ma coquille », de me sentir utile à titre de bénévole dans une période de ma vie où j’en avais bien besoin…
– Jean, ADDSQM